Cléo...Fée au Café

Qualités : On me dit compréhensive ; on me trouve souriante ; on me juge extravertie, on me soupçonne exubérante ; on loue ma fraîcheur ; on s’attendrit de mon côté fleur bleu que je déteste ; on apprécie ma générosité.
Défauts : On craint mon caractère lunatique ; on se méfie de mes passions éphémères ; on critique mon manque de fidélité ; on déprécie ma vision négative ; on soupire de ma misanthropie ; on ignore mes phrases acerbes ; on redoute mes emportements.
Activités diverses déjà pratiquées : Comment échapper à la scène lorsque mon père a tracé cette voie pour moi depuis mon enfance? Théâtre, équitation, chant furent mes temps « libres » dès mon plus jeune âge. Plan de carrière : Carrière…à 22ans, avoir une idée de sa carrière ? Suivre les traces parentales sur la scène publique ? A défaut, ce choix est un semblant de motivation, même si au fond, le tapis rouge d’Hollywood me fera toujours rêver. En vérité, je n’ai pas de rêve réaliste et ceux que j’ai ne pourraient pas être réalisés, tant ils restent contradictoires.
Modèle : ma grande sœur, de dix ans mon aînée, mais qui a su trouver le chemin qu’elle souhaitait. A l’heure où mon avenir s’ouvre et où je crains ce futur trop obscur, cette vision familiale me repose. Don Michael Corleone…non pas pour sa morale, j’en reste éloignée, mais pour cette vie offerte à toute une œuvre familiale, a essayer de ne pas se trahir lui-même.
Pays dans lequel vous aimeriez vivre : Peu m’importe, mais un pays où je resterais. Peut-être l’Espagne…je n’y connais personne !
Profession des Parents : Ouf ! je ne suis pas encore démasquée ! Ma mère est de ces artistes françaises des sixties, propulsée sur le devant de la scène encore adolescente. Publicités choc pour l’époque, icône d’une révolution culturelle française, je n’ai jamais réellement su quel était sa véritable profession. Je préfère simplement noter « intermittente du spectacle ».
Mon père fut le regretté Matthew Maxwell, acteur montant du cinéma. Un seul dernier rôle aurait suffit à couronner sa carrière, mais le destin l’a vu d’une autre façon.
Informations supplémentaires : J’ai un prénom bizarre ? Je suis enfant de célébrités des 60’s en quête de renouveau, ça n’est même plus étonnant ! Mon père était fan de rugby, le saviez-vous ? Son fondateur n’était autre que Mr Webb-Ellis…Sous un masque de perfection, j’ai en réalité un an de retard, vite évanoui par une année d’avance récupérée bien plus top dans mon enfance. Ne me parlez pas de mon père ni de voiture ; n’essayez pas de me faire goûter des endives, mais je vous assure être une pro de la cuisine française ! Et quoi ? Il m’arrive de parler en deux langues ? Oh…maybe it’s just une erreur éducative ! Et appelez-moi comme vous le sentez...Bee, Fée, Cléo...

-M’man, c’était une bad, merdeuse and stupid idea! Je voulais rester en France, pas aller dans une académie moisie avec des cheerleaders en tutus rouges. Tu voulais me dégager de New York, et tu me rebalances dans un truc de filles à papa friquées et névrosées…

-Cléo, on arrive, essaye au moins un sourire, la directrice est charmante !

-Merde, ouais !

La jeune fille s’extirpa de la berline et contournant la voiture planta ses talons au sol afin de jauger l’immense bâtisse qui s’élevait devant elle. Mouais. Pas mal. Ca valait le bâtiment de la Sorbonne. Mais il manquait cette toucheso frenchy que regrettait déjà la jeune fille.

-Il y a un room-service ici, au moins, pouffa-t-elle d’un ton moqueur ?

-Cléo !

La jeune fille grimaça en levant les yeux au ciel, saisit son sac à main à la volée sur le siège passager, rejoignant sa mère qui se dirigeait déjà vers l’entrée principale. Aucune rébellion chez la jeune fille, simplement une envie de montrer à Angie Maxwell combien sa décision l’ennuyait.
« Rien de telle qu’une pension pour te remettre dans le bain, ma chérie ! »
Même les doigts ébouriffants ses longs cheveux bruns n’avaient ce jour-là pas su dérider la jeune fille. Après un an passé au repos dans une obscure campagne irlandaise, aucune envie de retrouver une école américaine digne des séries TV ne l’avait encore poussée.
Elle avait cherché dans ses poches le fidèle paquet de cigarettes, mais le vide qu’elle avait senti sous ses doigts l’avait enfoncée un peu plus dans son humeur bougonne.
Aujourd’hui elle grimpait les marches de Phillips Academy.

-Ce qui est certain chérie, c’est qu’ici tu n’auras droit à aucune cigarette, drogue, alcool que tu pourrais imaginer ! L’endroit idéal !

L’optimisme de sa mère fit à nouveau lever les yeux au ciel à Webb. Sa mère, baby-doll des sixties, se poudrant sûrement le nez bien plus qu’elle n’osait l’avouer à ses enfant, imaginer une odeur de sainteté sur cette école? Elle forçait certainement le trait pour amuser sa fille. Aucune autre solution possible.
Webb la rejoignit lentement, les mains enfoncées dans les poches de son jean.

-M’man…c’était des médocs, tu le sais.

Angie Maxwell se mordit la lèvre silencieusement, sous le regard amusé de sa fille. Paf ! Elle avait gagné ce petit pari d’ennuyer sa mère malgré l’immense soleil quotidien de ses humeurs.
Mais un pincement au cœur avait accompagné ce petit triomphe éphémère. Cette idée de médocs, ce retour dans une civilisation qui l’avait poussée plus loin qu’elle ne l’avait souhaité l’effrayait un peu, et elle revoyait ces années d’une lente descente psychologique.

L’accident de son père alors qu’elle était à ses côtés…des années à se forcer à ne pas montrer des humeurs sombres, puis une dépression qui s’était insidieusement installée, la poussant sans cesse à chercher un remède à des maux psychologiques. Pas d’ecsta, pas d’alcool à outrance, de simples médicaments d’apparence inoffensive, mêlés à quelques cigarettes particulières.
Et un malaise qui aurait pu tourner au drame.

Webb n’avait jamais songé à ce que sa vie puisse prendre des allures de soap américain. Elle s’était toujours considéré comme une fille bringuebalée dans la vie de sa mère qui malgré tout l’amour de celle-ci, n’avait su trouver sa place. Hier en Irlande, aujourd’hui à Phillips.

-Tu sais que George Bush a étudié dans cette école Cléo ?

-Ouais m’man…enfin on dirait surtout la Dupont, sortie tout droit du cerveau de Tom Wolfe ! J’serais pas étonnée de voir débarquer Charlotte Simmons en jupette bleue marine !

Webb pouffa à nouveau ignorant le soupir de sa mère ; mais bientôt, les talons qui claquaient sur le sol marbré de l’immense hall rompirent le calme apparent. Chignon serré, jupe droit et veste cintrée, le stéréotype de la gouvernante en chef s’avançait vers les deux femmes.
Un sourire charmant fendit son visage sur-maquillé.

-Mrs Maxwell, c’est un immense honneur de recevoir votre fille parmi nous ! Vous devez être Miss Webb ? Je suis certaine que vous trouverez rapidement votre place à la Phillips Academy !

Webb haussa un sourcil ironique, hocha la tête poliment et sur un ton sarcastique dont elle seule connaissait le secret, oscilla entre un accent français et irlandais.

-Oh ! J’en suis certaine !