La fille, là, la blonde face au grand brun, c'est moi. On est en plein milieu du couloir, je sais. Mais on avait besoin d'une explication immédiate. Alors, les gens autour, on s'en fiche. De toute façon, ils ne font qu'avancer pour le prochain cours... Parfois, en le voyant, lui, j'ai envie de le baffer et parfois, j'ai juste envie de l'embrasser. J'avoue qu'à ce moment-là, je savais pas trop ce que j'avais envie de lui faire... mais dieu sait que j'en avais envie ! « Alors, tu me crois pas ? » lui demandai-je en le regardant dans les yeux, passablement agacée.
« Non, pas du tout. » dit-il sérieusement, comme si de rien n'était en évitant mon regard.
« T'es VRAIMENT un crétin ! » m'énervai-je alors. Parce que, c'était le cas, c'était un crétin !
« Non, JE SAIS que tu es prête à TOUT pour avoir ce que tu désires ! » Il s'énerva à son tour. Et qu'il fasse semblant de me connaitre, ça me tuait. D'accord, on se connait depuis... trois ans mais je détestais quand il faisait ça. C'était affreux. Et puis, qu'il dise que je sois prête à tout pour
lui, c'était aussi exaspérant.
« Tu ? QUOI ?!! Tu crois vraiment que tu es si indispensable que ça à ma vie ?! » Oui, j'étais énervée mais qui ne le serait pas à ma place hein ?!
« Arrêtes; tu sais très bien ce que je veux dire ! Et puis, elle est d'accord avec moi ! » Il m'avait dit ça, parfaitement normalement. Il était assez con pour écouter sa nouvelle copine... Pitoyable.
« Ha non mais c'est sûr ! Si ta pouffe pense pareil, c'est super alors ! CRÉTIN ! » J'avais presque dit tout ce que j'avais à dire. Mais ne supportant pas sa tête une seconde de plus, je préférai partir. Et je me suis retenue de le baffer... Ce fût dur.
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« T'es vraiment une salope comme fille ! » me dit-elle en me dévisageant. Elle était toujours comme ça : un peu idiote, un peu trop franche...
« Merci ! Non, vraiment, merci de ta compassion ! » lui répondis-je, ironique. Elle avait quand même le cran de dire que j'étais une salope, en me regardant droit dans les yeux ! Il fallait quand même le faire, n'est-ce pas ?!
« Non mais sérieux, comment tu t'es débrouillée ?! » continua-t-elle à me questionner, visiblement totalement dépassée par la situation.
« Imagine, deux secondes ! Si ma meilleure amie ne comprend pas, à ton avis, comment vont le prendre les gens ? » Elle comprit ce que je voulais dire et fit son sourire qui me disait qu'elle comprenait. Oui, ma meilleure amie pouvait parfois être la pire des garces, je m'en fichais parce que je savais qu'elle était là et qu'elle serait toujours là pour moi. On a le même âge et quand je suis arrivée dans cette école et dans les États-Unis, parlant uniquement italien, elle, elle était là. Elle m'a appris l'anglais et m'a toujours aidé. Depuis, on se quitte plus. Et je pourrais pas me passer d'elle et de son cerveau de blonde... bien qu'elle soit brune !
Elle me prit alors dans ses bras, garda ma main dans la sienne une fois qu'elle se redressa et on marcha dans la couloir pour aller jusqu'à l'internat. Puisque nous étions toutes les deux à l'internat de l'école mais malheureusement, pas dans la même chambre. Je savais qu'elle me comprenait, elle savait que je la comprenais. On était totalement différentes mais on s'aimait comme des sœurs.
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J'étais là, à danser. Danse classique, bien sûr. Je savais que j'étais observée. Ma réputation était faite : j'étais l'une des ballerines les plus prometteuses de cette école. Du moins, dans ma promo, j'étais l'une des meilleures. Alors, je dansais, un sourire aux lèvres parce que, à ce moment-là, j'étais heureuse. Plus qu'heureuse même ! J'étais aux anges, j'étais à ma place.
Malheureusement, à la moitié de la chanson à peu près, ma tête commença à tourner, les forces me quittèrent et je tombai au sol, inconsciente. C'était il y a quelques jours, c'était cette année, quelques jours après la rentrée. J'avais cru bon de prendre une salle pour pouvoir m'entrainer et puis... j'étais tombée. Je n'avais pas assez mangé, je savais que je devais faire attention à mon alimentation et pourtant, je suis tombée, parce que je n'ai pas pris le temps de manger.
Les gens qui me regardaient sont accourus près de moi et ont appelé l'infirmière de l'école. Ça a vite circulé, comme rumeur. Il y a eu toute sorte de rumeurs d'ailleurs, mais seule ma professeur de danse a été averti du quoi et du comment... Oui, seule elle le savait... Et ma meilleure amie aussi. Je suis sûre que, maintenant, vous comprenez pourquoi je suis tombée, ce jour-là.
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Je l'ai vu arriver.
Lui. Mais j'ai pas pu bouger. J'ai rien pu faire, je l'ai juste regardé avancer vers moi, un fin sourire aux lèvres. Qu'il était beau... Ouais, enfin. Bref. Une fois près de moi, il déclara :
« J'ai entendu dire que t'étais tombée ? En salle de danse ? » J'avais l'impression qu'il en avait quelque chose à faire... Mais soyons honnêtes, il avait choisi sa pouffe.. - pour rester correcte - pas moi.
« Oui, un étourdissement... J'avais pas assez mangé. » expliquai-je simplement avec un petit mouvement evasif de la main.
« Si tu commences déjà à pas manger alors qu'on est rentré depuis trois jours, on a pas fini ! » rigola-t-il. Comme si c'était drôle... Je ne trouvais pas ça drôle. J'étais tombée ! Ça veut dire beaucoup ! Je suis une danseuse, les danseuses ne sont pas censées tomber !
« Il faut qu'on arrête ça... » déclarai-je blessée, après quelques minutes. C'était presque un murmure et inconsciemment, je m'étais rapprochée de lui, contredisant mes paroles à suivre. C'était tellement dur de le voir là, près de moi, mais pourtant si distant...
« Quoi donc ? » questionna-t-il, distrait.
« Ça ! De faire semblant d'être amis parce que ça me rend folle ! Tu dis que tu veux pas me croire mais tu restes quand même près de moi ! J'en peux plus, tu comprends ? Je veux pas passer mon année à penser à toi parce que j'arrive pas à te sortir de ma tête ! Je pense tellement à toi que j'ai plus envie de manger, que je perds la tête ! T'es dans ma tête constamment et je peux plus le supporter ! Dès que je te vois, j'ai envie de te sauter dessus ! Ta pouffe, j'ai envie de l'encastrer dans le mur ! Mais je suis aussi tellement en colère contre moi parce que tu agis comme un con et putain, comme une conne, je continue de t'aimer ! » m'énervai-je alors. Parce que c'était trop dur, comme situation.
« Dis moi ce que je suis censé faire alors ! » murmura-t-il en se rapprochant encore un peu plus de moi. On était tellement proches à ce moment-là. Et j'avais tellement envie de réduire un peu plus cette distance, de lever un peu le menton pour gouter ses lèvres... Mais je ne pouvais pas.
« Oublies-moi... » chuchotai-je en me reculant. Il voulu attraper mes mains en même temps qu'il me disait:
« Shai... » Je ne l'ai pas laissé faire, je me suis reculée un peu plus et j'ai dis :
« Je suis sérieuse... Oublies-moi. » Et puis, je me suis éloignée de lui. Et j'ai pleuré toute la soirée et une bonne partie de la nuit. C'était... fini.
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« Très bien, qui peut me reproduire cette chorégraphie ? » demanda notre professeur. Bien entendu, j'ai levé la main bien haut parce que j'en étais parfaitement capable ! Malheureusement...
« Oui, mademoiselle ! » dit-elle en désignant cette pétasse que je ne supportes pas ! Alors, je me suis levée, me suis approchée de la prof sous le sourire moqueur de l'autre pétasse et j'ai dis :
« Madame, je suis parfaitement capable de le faire ! » D'un air vaguement intéressé, elle m'a dit : « Je préfère vous ménager pour l'instant ! » Style, je voyais pas son air là ! Le genre qui dit clairement que je suis qu'une gamine qui fait des conneries ! Alors, énervée, j'ai crié dans toute la salle :
« Je suis enceinte, PAS EN SUCRE ! » C'est vrai quoi, c'était exaspérant ! Tout de suite, j'ai un petit malaise alors, on me met au placard ! Vous pouvez être sûr que la prof m'a demandé de sortir de cette salle avec un ton super dur. Alors, toujours aussi énervée, j'ai récupéré ma veste et j'ai continué dans mon énervement :
« Tant mieux ! Allez tous vous faire foutre ! » Et cette phrase va me valoir un conseil de discipline. Je suis convoquée mardi à 15 heures pour parler des petites problèmes qui me suivent ses temps-ci : mon malaise, les rumeurs et puis, ma grosse colère.
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En pleurant, paniquée, je courrais presque vers ma meilleure amie. Une fois près d'elle, je me jetai presque dans ses bras, telle une désespérée. J'avais vraiment besoin d'elle.
« Faut que tu m'aides ! Tout le monde est au courant ! Tout le monde ! » annonçai-je, toujours dans ses bras, toujours en la serrant dans mes bras.
« C'est rien ! Regardes-moi ! Tout va bien se passer, okay ? Je te le promets, je serais là ! » En parlant, elle s'était redressée et avait pris mon visage dans ses mains pour pouvoir me regarder dans les yeux. Tout cela dans l'optique de me calmer. C'est vrai que j'en avais bien besoin. Mais bon... j'étais têtue ce jour-là, alors, j'ai rétorqué :
« Mais je peux pas !! Je peux pas être enceinte et dans cette école en même temps ! Imagine ce que L'ADMINISTRATION va penser !! » Elle était calme alors que j'étais totalement paniquée. Toujours aussi calme et avec un ton presque maternel, elle m'a clairement dit :
« Tu vas avoir dix-neuf ans ! Tu peux faire ce que tu veux ! D'accord ? » « Okay... » lui ai-je dis, peu sûre de moi.
« Au faite, c'est qui le père ? » a-t-elle demandé en retrouvant son attitude habituelle et en reprenant ses mains. Je me suis contentée de soupirer. Un sourire aux lèvres malgré tout, parce qu'elle avait le don de changer de sujets comme de chemises - et elle en change vraiment souvent !
Elle a compris grâce à un de nos petits regards spéciaux. Alors, elle a continué :
« Tu lui as dit ? » J'ai roulé des yeux, parce qu'elle avait vraiment des questions idiotes, mais c'était plus amical qu'autre chose.
« Non, tout le monde le sait mais pas lui, j'ai voulu lui faire une magnifique surprise ! Je vais lui faire croire que mon gros ventre, c'est pour le cours de théâtre ! » J'étais sarcastique, bien entendu !
« Il est assez con pour y croire... » acquiesça-t-elle et elle avait pas totalement tort. Il pouvait être débile quand il s'y mettait mais du genre... vraiment débile !
« Il est surtout assez con pour croire tout le monde sauf moi... Je lui ai dis de m'oublier... Il me manque... » J'ai fait un sourire triste. Il me manque, c'est vrai. Il me manque beaucoup. On a passé trois ans à se tourner autour, disant qu'on était les meilleurs amis du monde, contredisant tout le monde disant qu'il y avait une attirance entre nous. On a toujours fait comme si on avait pas de sentiments pour l'autre. Jusqu'à cet été où on a fini ensemble... Et ça a détruit notre amitié. On est resté ensemble pendant deux mois, on a couché ensemble, bien sûr et puis, il a rencontré sa pouffe et à force de disputes, on s'est séparé. Si bien que je suis enceinte d'un mois et demi de mon ancien petit-ami/meilleur ami/confident. Pas compliqué du tout, mon histoire, pas vrai ? Surtout qu'il me croit pas, parce que, sa pouffe, dite aussi " la fille que je déteste le plus au monde", a jugé bon de lui dire que je lui avais dit que j'étais prête à tout pour le récupérer... Tout ça parce que, ma sonnerie de téléphone, c'est Better than revenge, de Taylor Swift... et que j'écoute cette chanson à longueur de journée... Le pire ? Elle l'aime même pas, c'est juste pour me faire enrager qu'elle fait ça ! Bref, j'ai donc pas mal à faire, surtout avec les cours et tout ça.
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Et voilà, j'en suis là aujourd'hui. Je suis tellement débordée en ce moment, que j'en oublie de manger et je sais que c'est pas bon du tout pour mo... nous. Mais, ce qui m'importe, c'est mes études ! Je peux pas prendre une heure pour réfléchir, j'ai clairement trop à faire ! Et imaginez quand toute l'école sera au courant ! Comment je vais faire ?! Parce que là, ça va, ça ne se voit pas, mais dans deux mois, comment je vais faire ?! Et pour ma carrière aussi ? On a pas encore vu de danseuses enceintes ! Surtout pas dans une école ! Donc, c'est l'horreur ! Dieu merci, j'ai ma meilleure amie ! Mais lui dites surtout pas que j'ai dis ça !